• Réactions de sevrage aux médicaments psychiatriques


    Traduction libre du chapitre 9 du livre Your drug may be your problem

     

    Réactions de sevrage des médicaments psychiatriques

    Au chapitre 4, nous avons discuté des effets indésirables qui peuvent se produire lors de la prise de médicaments psychiatriques. Le présent chapitre passe en revue les effets indésirables qui peuvent se développer en cours de sevrage.

    Prenez garde à l'usage illicite

                Ce livre s'adresse aux personnes qui ont éprouvé des problèmes au cours de la prise ou du sevrage de médicaments psychiatriques prescrits par des médecins selon les normes généralement acceptées pour leur usage clinique.

                D'un autre côté, vous éprouvez peut-être de graves difficultés provoquées par l'usage de stimulants, de sédatifs ou d'analgésiques  - en grande quantité ou combinés - ou avec de l'alcool. Vous pouvez avoir commencé cet usage à partir d'une prescription médicale de routine, mais vous en prenez maintenant une plus grande quantité et vous sentez que vous êtes incapable de contrôler les effets cumulatifs. De même, si vous avez obtenu des médicaments psychiatriques illégalement ou de plusieurs médecins, vous souffrez peut-être d'un sérieux problème de dépendance. Si vous reniflez, injectez ou aspirez ces drogues, vous vous exposez à des dangers extrêmes.

                Peu importe les circonstances, vous avez peut-être besoin d'aide professionnelle immédiate, qui peut comprendre une désintoxication ou un séjour dans un centre de réadaptation pour toxicomanie.

                Ce livre porte, lui, sur les problèmes associés à l'usage ordinaire et au sevrage de médicaments psychiatriques prescrits régulièrement par les médecins.

    Votre médecin l'ignore peut-être…

                Tous les médicaments psychiatriques peuvent produire des réactions désagréables et troublantes au moment du sevrage ou de l'arrêt. Pour certains remèdes qui existent depuis des décennies, particulièrement les benzodiazépines, les réactions au sevrage sont bien décrites dans la littérature médicale. Les médecins ont tendance à être au fait de ces réactions. Toutefois, ils ignorent trop souvent les problèmes de sevrage associés à plusieurs autres médicaments psychiatriques qu'ils prescrivent de façon routinière.

                Les stimulants, tels que le Ritalin, l'Adderall et le Déxedrine, ont largement été utilisés depuis des décennies. Toutefois, plusieurs médecins ne sont pas au courant des fortes réactions de sevrage de ces médicaments. Il en va de même pour des remèdes plus récemment introduits sur le marché. Les antidépresseurs ISRS, tels que le Prozac, le Zoloft et le Paxil, impliquent souvent un sevrage pénible; toutefois, plusieurs médecins semblent peu au courant.

                Ce qui nous apparaît plus troublant est le fait que même si les médecins connaissent les dangers des problèmes de sevrage de ces médicaments, ils s'abstiennent souvent d'en faire part à leurs patients. Parfois, ils se sentent trop bousculés par le temps pour informer leurs patients de ces dangers. À d'autres occasions, ils oublient tout simplement. Ou encore, ils sont préoccupés par le fait que des patients se plaindront des effets secondaires que le médecin mentionne ou dont ils ont entendu parler. À d'autres moments, les médecins ont tout simplement peur de décourager leurs patients de prendre leur médication. Toutefois, l'éthique médicale et une pratique sensée exigent que les médecins avisent leurs patients des problèmes de sevrage. Il n'y a pas d'excuses légitimes pour ne pas le faire.

       Une fois la lecture de ce livre terminée, vous serez plus au fait que votre médecin des problèmes de sevrage. Si vous planifiez de cesser ou de diminuer la dose d'un médicament psychiatrique, vous voudrez peut-être partager ce livre avec votre médecin.

    Quand s'agit-il d’une réaction au sevrage?

                Les réactions au sevrage peuvent être difficiles à reconnaître. Par exemple, prenons le cas de George qui depuis deux nuits a cessé de prendre le Klonopin (clonazépam) qu'on lui a prescrit pour l'aider à dormir. C'est la première fois depuis plusieurs mois qu'il tente de s'endormir sans son «somnifère». Depuis qu'il a cessé le Klonopin, George a plus que jamais des problèmes à s'endormir. Il est demeuré éveillé pendant des heures à s'inquiéter de ce qui lui arriverait s'il s'avérait impossible pour lui de s'endormir sans médicaments.

                George éprouve fort probablement une réaction au sevrage du Klonopin. Pendant plusieurs mois, son cerveau a livré une bataille contre les effets du médicament que George prenait quotidiennement. Ce processus a eu comme résultat une stimulation réactive ou compensatoire accrue du cerveau. Maintenant que la prise du médicament a cessé, le cerveau trop stimulé de George a pris le dessus et maintient George dans un état d'éveil. Étant donné que son insomnie est pire qu'avant sa prise du Klonopin, sa réaction au sevrage peut être appelée un «rebond» - une aggravation des symptômes originaux.

                Ou encore, George pourrait souffrir d'une crainte psychologique d'abandonner son médicament. S'il n'avait pas tellement peur de vivre sans son médicament, il n'aurait peut-être pas autant de problème à trouver le sommeil. Ayant pris l'habitude de prendre du Klonopin, il peut peut-être éprouver de la peur de s'en passer. Cette réaction au sevrage serait décrite comme étant provoquée psychologiquement, au contraire des effets physiques du sevrage qui nous préoccupent davantage. Dans de telles circonstances, George aurait besoin d'être rassuré par son médecin qu'il pourra éventuellement retrouver le sommeil sans médicament.

                George pourrait aussi souffrir de sa première insomnie. En effet, pendant des années, il a eu tendance à s'inquiéter la nuit. En l'absence d'un sommeil induit par la médication, son inquiétude est peut-être réapparue. Cette situation pourrait être décrite comme une «rechute» - un retour au problème original éprouvé avant la médication. Le counselling ou la psychothérapie pourrait venir en aide à George dans le traitement de cet aspect de son insomnie.

                Étant donné que le Klonopin et les autres types de somnifères provoquent normalement des problèmes de sevrage, nous ne nous trompons vraisemblablement pas en précisant qu'il s'agit, dans le cas de George, d'un diagnostic de réactions de sevrage. S'il retourne éventuellement à un sommeil plus normal dans quelques jours ou quelques semaines, le diagnostic serait confirmé. Tel que mentionné, il est souvent difficile de distinguer les réactions de sevrage d’autres problèmes tels que le retour du symptôme original. Toutefois, il est habituellement plus sage de présumer que le sevrage physique joue un rôle et qu'une diminution lente et graduelle serait préférable.

                Il faut considérer la possibilité que vous faite une réaction de sevrage si vous commencez à éprouver des réactions émotives ou physiques dans les heures, les jours ou les semaines suivant une diminution ou un arrêt de la médication. La même chose est vraie si vous éprouvez ces réactions entre les doses. Les médicaments à demi-vie courte sont particulièrement susceptibles de provoquer des réactions au sevrage entre les doses. C’est le cas de tous les stimulants, des somnifères Ambien et Halcion et du tranquillisant benzodiazépine Xanax.

                Vous pouvez aussi être en train d'avoir une réaction de sevrage si la réaction est contraire à l'effet du médicament. Par exemple, si vous éprouvez une grande fatigue et sentez que vous vous «écrasez» quelques heures après avoir pris un stimulant - ou encore si vous vous sentez agité et même «high» quelques heures après avoir pris un tranquillisant - il pourrait s'agir de sevrage.

    Déni des réactions de sevrage

                Pour plusieurs raisons, notre connaissance des problèmes liés au sevrage n'est pas si avancée qu'elle devrait l’être. Premièrement, ces problèmes sont très complexes. Comme dans le cas de George, il peut être difficile de distinguer les facteurs psychologiques des facteurs physiques. Ou encore, il peut s'avérer difficile de déterminer si les problèmes comprennent un sevrage physique ou un retour des problèmes originaux de l'individu. De plus, les réactions de sevrage à un même médicament varient d'une personne à l'autre. Par exemple, George peut se sentir nerveux et avoir des problèmes à trouver le sommeil pour quelques jours après l'arrêt du Klonopin, alors que Gina pourrait, elle, entendre une sonnerie dans ses oreilles ou se sentir en déséquilibre.

                Comme nous l'avons mentionné, les médecins sont souvent réticents à admettre que le sevrage constitue un problème grave. Bien plus, lorsqu'ils sont témoins de réactions de sevrage, ils les rapportent rarement aux agences appropriées. Par exemple, des réactions probables au sevrage d'antidépresseurs tels que le Paxil et le Zoloft sont très communes, se produisant chez 30 % des patients. Toutefois, le nombre de rapports de tous les effets secondaires des antidépresseurs envoyés au Food and Drug Adminsitration (FDA) varient entre 2 et 300 par million de prescriptions.

                Encore plus important peut-être est le fait que presque la plupart des recherches sur les médicaments sont financées et contrôlées par les compagnies pharmaceutiques. Ces corporations dont la visée est le profit ont tendance à être réticentes à identifier des problèmes, liés au sevrage, qui pourraient décourager les gens de faire usage de leur produits. La recherche sur les médicaments, l'éducation médicale et la pratique clinique sont donc plusieurs facteurs qui entrent en jeu pour nous empêcher de développer nos connaissances sur le sevrage des médicaments psychiatriques. Conséquemment, il n'existe pas de tradition significative ni d’ensemble de connaissances en psychiatrie pour mettre l'accent sur les réactions de sevrage des médicements. On a tendance à mettre davantage l’accent sur la façon de commencer et de maintenir l'usage des médicaments, plutôt que sur la façon d’en cesser la consommation.

                Lorsque vous lui parlez des problèmes liés à l'arrêt de votre médicament psychiatrique, ou à la diminution des doses, gardez en tête que votre médecin peut ne pas en connaître long sur ce sujet et pourrait même en nier de façon irrationnelle l’existence. Par exemple, les antidépresseurs plus anciens appelés communément tricycliques ont été sur le marché depuis plus de 40 ans et les réactions à leur sevrage maintes fois documentées. Toutefois, les médecins semblent souvent ignorer complètement l'existence de ces réactions. Un sondage récent a été effectué auprès de psychiatres et d’omnipraticiens afin de vérifier leur connaissance au sujet des réactions au sevrage des antidépresseurs. Les auteurs ont conclu qu'une « minorité importante d'omnipraticiens niaient être suffisamment au courant de l'existence des symptômes de sevrage des antidépresseurs ». Cela veut dire que dans la pratique clinique routinière au moins « une minorité importante » de médecins ne fait aucune tentative pour diagnostiquer les réactions de sevrage ou les distinguer d'autres symptômes.

                Votre médecin pourrait aussi attribuer par erreur vos réactions au sevrage à un retour de votre «maladie mentale». Plus particulièrement, si vous avez tenté sans succès de vous sevrer à deux ou trois reprises, votre médecin pourrait essayer de vous convaincre que vous souffrez d'une «maladie chronique» qui requiert la prise de médicaments tout au cours de votre vie. Ironiquement, plus longtemps vous consommez le médicament, plus probablement vous n’aurez pas une réaction simplement légère lorsque vous tenterez de vous en défaire. Votre médecin qui l'ignore et même vous aussi y verrez peut-être un signe que «vous avez vraiment besoin» de ce médicament. En réalité, c'est de l'aide dont vous avez besoin pour vous en sevrer graduellement.

    Définir la dépendance physique     

                Si un médicament provoque des effets de sevrage déplaisants, certains usagers en deviendront inévitablement physiquement dépendants. En effet, cette conclusion est inhérente à la définition de dépendance physique. Selon le World Task Force, un groupe de travail qui s'est penché sur les sédatifs hypnotiques, «la dépendance physique se définit comme l'apparition de symptômes spécifiques lorsque la médication est brusquement interrompue». Le service de glossaire pharmacologique en ligne de l'Université de Boston affirme que la dépendance «se caractérise par la nécessité de maintenir la prise de médicament afin d'éviter l'apparition de symptômes de sevrage incommodants ou dangereux». Et un rapport récent publié dans le New England Journal of Medicine le confirme : «L'utilisation du terme "dépendance physique" implique qu'un syndrome de sevrage se produira après l'arrêt d'un remède psychiatrique.»

                Sur la base de ces définitions, nous pouvons en plus conclure que tous les médicaments psychiatriques sont des médicaments de dépendance. Cela inclut des médicaments comme le lithium qui ne sont pas communément reconnus comme provoquant des symptômes de sevrage. L'apparition de symptômes de sevrage définit la dépendance en ce sens que les usagers éprouveront de l'inconfort lorsqu'ils cessent de prendre le médicament et seront soulagés lorsqu'ils recommencent à le prendre. Conséquemment à l'expérience de l'inconfort, certains usagers «choisiront» de continuer de prendre le médicament simplement pour éviter la détresse accompagnant le sevrage prolongé. Tel que déjà mentionné, les usagers peuvent confondre le symptôme de sevrage avec la «maladie mentale» et décider qu'ils ont «besoin» du médicament.

                L'existence de réactions déplaisantes donne une image négative à un médicament. Pour des raisons économiques et politiques, les compagnies pharmaceutiques, les agences gouvernementales, les chercheurs et les médecins ont tendance à minimiser, ignorer ou nier l'information au sujet des effets de sevrage d'un remède populaire et ce, même après que des preuves convaincantes soient devenues disponibles. Cette résistance et ce déni ont été documentés par le passé, notamment dans le cas des benzodiazépines, des barbituriques, des stimulants et même des opiacés. Pourtant, ces mêmes médicaments sont aujourd'hui tenus pour des «addictifs classiques».

                Un déni similaire de la nature, de l'étendue et des implications des réactions au sevrage existe aussi envers des antidépresseurs populaires tels que le Paxil, le Zoloft, le Prozac et d'autres. Ironiquement, ces médicaments n'ont jamais été testés pour leur potentiel de dépendance et sont devenues populaires en partie parce qu'ils ont été offerts en remplacement d'anciens antidépresseurs et des benzodiazépines - des médicaments psychiatriques reconnus pour leurs problèmes de sevrage.

    Les réactions de sevrage peuvent entraîner «une détresse significative»

                Le manuel officiel de diagnostics psychiatriques, 4ème édition, le DSM-IV, inclut une catégorie diagnostique intitulée «Sevrage des substances », décrite comme étant « le développement d’un changement comportemental spécifique aux substances avec concomitants physiologiques et cognitifs dus à la cessation ou la diminution de l’usage intenfif ou prolongé de substances ». Sur la page suivante, le DSM-IV met l’accent sur l’inconfort du sevrage, soulignant que le « syndrome cause une détresse significative ou une détérioration des domaines social, occupationnel ou autres ».

                Cette définition semble décrire le sevrage de substances illicites ou illégales. Néanmoins, la plupart des médicaments psychiatriques prescrits et approuvés incluent un « usage prolongé ». Tel que documenté plus loin dans ce chapitre, les réactions au sevrage qui peuvent causer une  détresse grave et de longue durée et une détérioration ont été spécifiées pour toutes les catégories de médicaments psychiatriques. Toutefois, le DSM-IV « reconnaît  » de telles réactions pour seulement deux catégories de médicaments psychiatriques actuellement utilisés: les stimulants et les tranquillisants.

    « Sevrage »  ou  « Arrêt »

                Pendant des années, les auteurs de la littérature médicale ont utilisé en alternance les termes du syndrome de l’arrêt, du sevrage et de l’abstinence. De plus en plus dans les discussions sur les médicaments psychiatriques, le terme accepté est l’arrêt (discontinuation). Selon certains experts, ce terme est moins stigmatisant. Nous avons lu dans un éditorial récent du British Medical Journal que « la croyance populaire commune selon laquelle les antidépresseurs créent une dépendance contribue probablement au sous-traitement significatif de la maladie dépressive. Il est important de ne pas adopter cette croyance par inattention – une raison supplémentaire qui fait que « réaction d’arrêt » est un terme plus approprié que « réaction de sevrage ».

                Mais il s’agit de propos ambigus. Au lieu de fournir des preuves pour aborder la peur, justifiée, que les antidépresseurs peuvent produire la dépendance, les experts conseillent vivement de donner à ce phénomène inquiétant une autre appellation! Nous, au contraire, nous suggérons qu’une vraie tentative soit faite pour répondre à deux questions importantes : Est-ce que les effets de « l’arrêt » ou du « sevrage » amènent les gens à poursuivre leur médication indéfiniment? Et est-ce que par erreur ces effets convainquent les médecins que les patients « ont besoin » de leurs médicaments?

                Il n’y a pas si longtemps, des raisonnements similaires amenaient les médecins à croire que le traitement à long terme aux tranquillisants était « efficace ». Depuis le début de l’usage des benzodiazépines, en 1963, l’existence de la dépendance physique chez les patients prenant des doses cliniques de benzodiazépines a été fermement établie. Toutefois, pas plus de 15 ans plus tard, un expert de renom conclut que « le risque de dépendance  avec les benzodiazépines est .. probablement inférieur à un cas par 50 millions de mois d’usage thérapeutique ». Conséquemment à un tel déni, des millions de personnes en devinrent dépendantes.

                La suite de ce chapitre fournit une revue de l’information médicale au sujet des réactions au sevrage de médicaments psychiatriques couramment prescrits, incluant les plus récents sur le marché. Nous discutons aussi des réactions et des syndromes de sevrage  moins connus. La revue suivante est probablement le résumé le plus complet portant sur les réactions au sevrage qui soit disponible actuellement. 

    Les réactions au sevrage des benzodiazépines

                Les réactions au sevrage des benzodiazépines – les médicements qui constituent la grande partie de la catégorie des tranquillisants mineurs et les somnifères habituellement prescrits – sont extrêmement bien documentées. Pour la plupart des gens qui prennent une faible dose, les symptômes essentiels de sevrage consistent en une augmentation de la tension et de l’anxiété de même qu’en une perturbation motrice et de la perception. Toutefois, les réactions peuvent devenir beaucoup plus graves et mettre la vie en danger.

                Les tranquillisants peuvent produire des réactions de sevrage après seulement quelques semaines d’usage. Des études sur le Xanax, par exemple, ont indiqué une augmentation de l’anxiété et de panique au moment de l’arrêt, après seulement huit semaines de consommation. Plus longtemps vous prenez un tranquillisant, plus élevée est la dose et plus le sevrage est interrompu de façon abrupte - plus graves seront vos réactions au sevrage. Les réactions graves ont tendance à être plus fréquentes avec les médicaments à demi-vie courte comme l’Halcion (le triazolam utilisé seulement comme somnifère) et le Xanax (alprazolam). Les produits intermédiaires à demi-vie courte incluent l’Ativan (lorazépam), le Klonopin (clonazépam), le Lectopam (bromazépam), le Restoril (temazépam) et le Serax (oxazepam). Les produits à effet prolongé incluent le Dalmane (flurazépam), le Valium (diazépam), le Tranxene (clorazépate) et le Librium  (chlordiazepoxide). Les benzodiazépines peuvent inverser les réactions au sevrage de l’alcool et des barbituriques. De ce fait, ils produisent un syndrome similaire à celui associé à ces substances.

                Le syndrome de l’arrêt  

                Un rapport du comité de travail de l'American Psychiatric Association (1990) divise le syndrome de l'arrêt des benzodiazépines en trois catégories bien connues:

                1) Des réactions de rebond d'anxiété et d'insomnie- les mêmes que celles pour lesquelles le médicament a été prescrit, mais seulement plus graves. Ces symptômes se produisent habituellement un à trois jours après l'arrêt. Pour les produits à demi-vie tels que l'Halcion, le rebond «veut souvent dire un réveil en pleine nuit, avec une incapacité de retour au sommeil sans une deuxième dose de triazolam». Pour certains patients, les symptômes de rebond durent environ une semaine; pour d'autres, ils s'atténuent après deux ou trois semaines. Toutefois, plusieurs personnes qui éprouvent ces réactions n'en viennent pas à bout, puisqu'elles reprennent le médicament afin d'éviter la détresse associée à l'arrêt.

                2) Les symptômes de rechute ou de récurrence - le retour du problème original. En effet, étant donné que le traitement pharmacologique cible les symptômes plutôt que les causes de l'anxiété, on peut s'attendre à voir l'anxiété revenir quand on cesse de prendre le médicament. Et étant donné que la récurrence et le rebond apparaîtront probablement en même temps, votre médecin peut trouver difficile de les distinguer l'un de l'autre. Toutefois, les symptômes de récurrence ont tendance à durer plus longtemps que les symptômes de rebond.

                3) Les symptômes de sevrage - l'apparition de symptômes qui n'existaient pas avant l'usage des benzodiazépines. Même des réactions relativement modérées de sevrage peuvent inclure des symptômes semblables à la grippe tels que la nausée, les vomissements, des maux de têtes, des douleurs et des raideurs musculaires, la fatigue, les diarrhées, des frissons et des sueurs. L'insomnie, l'anxiété, la tension et un éventail de sensations inhabituelles dans la tête sont aussi très communs. Un syndrome de sevrage en règle peut aussi entraîner des tremblements, une vision brouillée, une tension et une anxiété extrêmes, des attaques aiguës d'anxiété, une sensibilité accrue au son et à la lumière, des troubles graves de sommeil, des problèmes d'équilibre et de coordination, des tics nerveux et des crampes musculaires, des troubles visuels et auditifs tels que des hallucinations ou l'acouphène (bourdonnement dans les oreilles), l'anorexie et la perte de poids et même la psychose, le délire et les convulsions.

                Tel que noté, le sevrage des benzodiazépines (comme le sevrage de l'alcool et des barbituriques) peut provoquer des crises convulsives ou épileptiques. Les adultes et les personnes âgées semblent être particulièrement à risque, mais les crises sont plus probables dans les cas où les doses étaient fortes, des médicaments à demi-vie ont été pris et lorsque l'arrêt est abrupt.

    L'implication du médecin dans le sevrage

                Aujourd'hui, les médecins encouragent régulièrement les usagers de longue date de benzodiazépines de se sevrer de ces médicament. Toutefois, plusieurs de ces patients refusent à cause des symptômes de sevrage trop intolérables. Ils demeurent sur les médicaments grâce à des médecins qui renouvellent leurs prescriptions. C’est particulièrement vrai dans le cas des personnes âgées, particulièrement les femmes, à qui on a prescrit ces médicaments avant que les médecins soient plus conscients du potentiel de dépendance.

                L'implication du médecin avant, pendant et après le sevrage est l'un des éléments les plus importants du succès dans les cas où le processus est difficile. Les patients en sevrage de benzodiazépines requièrent un soutien psychologique. Cette intervention peut varier d'un simple geste d'encouragement à des techniques plus formelles de gestion de l'anxiété telles que les exercices de respiration, la méditation et les groupes de soutien; cela peut aussi inclure de la psychothérapie.

                Votre médecin peut être plus efficace en utilisant un protocole clair de sevrage au lieu d'un intervention peu structurée et tâtonnante. Il peut être aidant d'avoir en main des informations écrites sur chacune des étapes du sevrage. Bien que certains médecins prescrivent de l'Indéral ou du Tegretol pour minimiser les réactions de sevrage des benzodiazépines, on a n'en a pas encore démontré l'efficacité, sauf peut-être dans des cas d'urgence quand il faut cesser les benzodiazépines rapidement.

                La vaste majorité des patients ont un sevrage réussi en externe. Dans la littérature médicale, les recommandations sur le sevrage des benzodiazépines mentionnent quelquefois que les patients hospitalisés peuvent passer à un médicament à demi-vie longue tel que le Valium parce que les symptômes de sevrage sont moins aigus et la dose relativement plus grande peut être divisée plus facilement. D'autres médecins croient au contraire qu'il est mieux de travailler avec le produit auquel le patient est habitué.

                Certaines sources médicales suggèrent la méthode de «10 % de réduction par jour » pour les benzodiazépines. Mais nous croyons que cela pose un trop grand risque aux patients. Dans les cas où les médecins estiment qu'il est préférable de réduire rapidement la dose sans hospitaliser le patient, un échéancier de « 10 % par semaine » est plus raisonnable. Des expériences cliniques avec les benzodiazépines suggèrent aussi que l'extension de la période de sevrage ne nuit pas particulièrement après que la dose initiale a été réduite de 50 %. Dans des circonstances ordinaires, toutefois, les patients devraient être admis à partager le contrôle du processus, particulièrement s’il s’agit d'y aller plus lentement.

    Les réactions de sevrage des  antidépresseurs   

                Au chapitre 4, nous avons divisé les antidépresseurs en quatre catégories: les tricycliques, les IMAO, les drogues semblables au Prozac qui stimulent la sérotonine et les atypiques. Les symptômes prévisibles de sevrage de la plupart de ces produits sont maintenant bien documentés bien que plusieurs psychiatres et surtout des omnipraticiens les ignorent.

    Les antidépresseurs tricycliques: les réactions de sevrage

                Cesser l'usage d'antidépresseurs tricycliques produit «une variété déconcertante» de symptômes qui affectent de 20 à 80 % des usagers et peuvent durer jusqu'à trois mois. Vous êtes à plus haut risque d'éprouver des réactions de sevrage des tricycliques si vous avez été traité avec des doses élevées pendant plusieurs années et cessez d'en prendre brusquement.

                Il existe tellement de symptômes physiques différents qui peuvent apparaître lors du sevrage d'antidépresseurs tricycliques qu'il est préférable  de les diviser en catégories. Les symptômes de sevrage suivants peuvent apparaître seuls ou en combinaison, et à des degrés divers:

    1) Dérangement gastrointestinal accompagné de crampes abdominales, vomissements, sécheresse de la bouche, salivation excessive et perte d'appétit. La nausée est un symptôme commun et très dérangeant du sevrage de ces produits.

    2) Un sentiment général de détresse physique et mental ou d'inconfort, difficile à définir ou à décrire mais qui ressemble à de l'épuisement ou à la grippe. « Des bizarres de sensations dans la tête » sont rapportées occasionnellement par des individus.

    3) Des manifestations émotives, incluant la tension, la nervosité, l'irritabilité, l'anxiété, la panique, la dépersonnalisation, l'apathie, la dépression, les sautes d'humeur et même des manies psychotiques. Après quelques jours de sevrage, certaines personnes développent des épisodes psychotiques en règle avec des pensées rapides, de l'hostilité, un jugement appauvri et des comportements dangereux. Ces psychoses peuvent persister longtemps après l'arrêt du médicament et pourraient ne pas répondre au traitement avec d'autres produits.

    4) Un mauvais fonctionnement mental qui inclut communément des troubles de mémoire et dans des cas plus graves, la désorientation et les délires (confusion extrême).

    5) Des troubles de sommeil, incluant l'insomnie, des rêves extrêmement impressionnants, des cauchemars, et des difficultés respiratoires pendant le sommeil.

    6) Des mouvements anormaux incluant des mouvements incontrôlables de presque tous les muscles du corps (dyskinésie), des spasmes musculaires (dystonie), parkinsonisme (des mouvements lents et rigides) et de l'akathisie (une agitation interne qui contraint une personne à bouger). Les spasmes musculaires peuvent être extrêmement douloureux alors que l'akathisie peut être ressentie comme de la torture.

    7 Les arythmies cardiaques peuvent être extrêmement dangereuses. 

                Nous avons vu des cas où les personnes  - après plusieurs années de consommation de ces produits - ont été sevrées sans surmonter pleinement les symptômes. Certaines, par exemple, continuent de souffrir indéfiniment de nausées et de problèmes de mémoire.

                Tel que mentionné plus tôt dans le livre, la plupart de ces symptômes - incluant les manies et autres troubles mentaux - peuvent aussi se produire au cours du traitement à cause de la toxicité de l'antidépresseur.

                Les enfants aussi souffrent du sevrage des antidépresseurs tricycliques. Dans le cas d'un enfant de 8 ans, le sevrage abrupt de la tricyclique a provoqué de la nausée grave, des vomissements, des crampes abdominales entraînant l'hospitalisation pour cause de déshydratation. L'irritabilité mentale et des battements cardiaques irréguliers se sont aussi produits chez des enfants de mères qui prenaient des antidépresseurs tricycliques pendant la grossesse.

    Les réactions de sevrage des IMAO

                Les problèmes liés à la discontinuation des inhibiteurs de momoamine oxidase (IMAO), des produits comme le Nardil, le Parnate, l'Eldepryl et, au Canada, le Manerix, sont moins documentés que les autres catégories d'antidépresseur, probablement parce qu’ils sont moins souvent utilisées. La proportion de patients qui éprouvent des réactions de sevrage est inconnue à cause d'un manque d'études systématiques. Ce que nous savons toutefois, c’est que si vous arrêtez les IMAO, les réactions de sevrage peuvent durer de « quelques jours à quelques mois ».

                Certains cliniciens croient que « le sevrage des IMAO n'est habituellement pas un problème sérieux » alors que d'autres maintiennent qu’il « produit des syndromes beaucoup plus graves que ceux provoqués par le sevrage des [tricycliques] ». Une source mentionne « une détérioration cognitive grave et de la catatonie pouvant mener à l'hospitalisation et qui peuvent apparaître au moment de l'arrêt » des IMAO.

                D'autres réactions de sevrage incluent l'anxiété, l'agitation, la paranoïa, une élocution rapide, des migraines, une pression sanguine plus basse debout, une faiblesse musculaire, des frissons, des picotements, des sensations de brûlures sous la peau. La manie peut aussi apparaître.

                Voici deux compte-rendus de réactions graves au sevrage des IMAO :

                Une femme de 34 ans à qui on diminua la dose de Nardil graduellement avait des sensations de brûlure. Elle cessa donc brusquement d'en prendre. Elle devint « hostile, bruyante, agressive, désorientée dans le temps et l'espace…» Elle « criait à des objets imaginaires…. Elle a déliré pendant trois jours après avoir reçu la dernière dose de phénelzine.... Hospitalisée pour seulement 72 heures, elle ne se rétablit pourtant pas pleinement avant six semaines ».

                Dans le cas d'une femme de 21 ans traitée pour boulimie, le Nardil lui fut abruptement enlevé parce qu'elle éprouva des étourdissements graves lorsqu'elle se levait. Conséquemment, « elle avait sommeil, elle passait la plupart de son temps au lit. Elle fut confuse pour trois jours et désorientée pendant quatre jours après la dernière dose.. Elle ne reconnaissait ni sa mère ni sa propre chambre. Elle entra dans un genre de stupeur catatonique et fut hospitalisée ».  

    Les réactions au sevrage des antidépresseurs qui stimulent la sérotonine

                Cette catégorie de drogues inclut les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) tels que le Prozac, le Zoloft, le Celexa, le Paxil et le Luvox (approuvé par le FDA pour les troubles obsessifs-compulsifs). L'Effexor peut entraîner des réactions semblables à ces produits de même qu'aux antidépresseurs tricycliques.

                À la fin de 1996, « parce que les syndromes d'arrêt sont rapportés plus fréquemment dans la littérature », un panel d'experts en psychiatrie commandité par Eli Lilly (le manufacturier de Prozac) s'est rencontré pour discuter des syndromes de sevrage des ISRS. Le panel a constaté que plusieurs des réactions rapportées « sont semblables à celles du sevrage des tricycliques, mais une variété de nouveaux symptômes sont aussi associés à la cessation de la thérapie ISR ». Les nouveaux symptômes incluent « des problèmes d'équilibre, des anormalités sensorielles et un comportement agressif et impulsif possible ».

                Le panel a constaté que le syndrome d'arrêt des ISRS inclut un ensemble de symptômes physiques fréquemment rapportés: 1) déséquilibre (par exemple, étourdissement, vertige et ataxie); 2) des symptômes gastrointestinaux (p. ex. nausée, vomissements); 3)des symptômes semblables à la grippe (p. ex. fatigue, léthargie, myalgie, frissons); 4) des troubles sensoriels (p. ex. acouphène, sensations de brûlures, sensations de chocs électriques), et 5) troubles du sommeil (p. ex. insomnie, rêves réalistes).

                Le panel a aussi noté deux « symptômes psychologiques majeurs » du sevrage des ISRS - anxiété/agitation, crises de larmes «dramatiques» et irritabilité - de même que de l'hyperactivité, de la dépersonnalisation, des difficultés de concentration ou des pensée plus lentes, mauvaise humeur, confusion, problèmes de mémoires et mouvements anormaux.

                Sur la base de cette information recueillie par le panel et des études récentes, nous avons constaté qu'à l'instar du sevrage des tricycliques, il y avait un vaste éventail de symptômes associés au syndrome de sevrage des ISRS. En voici quelques exemples:

                Un homme de 32 ans qui cessa de prendre du Prozac après six mois d'usage se réveilla avec des « spasmes musculaires douloureux » et « des mouvements tendus de la langue ». Une femme de 31 ans tenta de cesser de prendre du Luvox lorsqu'elle tomba enceinte mais « fut envahie par de forts sentiments d'agression (elle sentait qu'elle pouvait tuer quelqu'un) ». Cela s'est produit à deux occasions distinctes de tentatives de sevrage. Cette femme fut incapable de cesser de prendre le Luvox.

                L'un d'entre nous a rapporté un «crashing» lors du sevrage des ISRS. Une femme décida spontanément de réduire sa dose de Zoloft de 100 mg à 50 par jour. En quelques jours, elle tomba dans un état de « fatigue et d'épuisement, de dépression profonde et dans un désir étrange et compulsif de se suicider ». Tous ces symptômes disparurent rapidement après qu'elle rétablit la dose à 100 mg. Dans une autre publication, nous avons décrit une jeune femme qui devint suicidaire lorsqu'elle cessa de prendre du Prozac.

                Dans deux cas impliquant des hommes d'âge moyen, sans historique de problèmes psychiatriques majeurs, le sevrage du Paxil mena à des symptômes graves. Pendant douze jours après un arrêt brusque du médicament, l'un éprouva de l'hypomanie marquée. Le deuxième développa une variété de symptômes physiques, ensuite commença  à exprimer des pensées homicidaires - un état qui dura cinq semaines.

                Un rapport décrit trois patientes qui éprouvèrent « des symptômes physiques graves de sevrage » lorsqu'elles arrêtèrent l'Effexor. L'Effexor n'est pas un ISRR, mais comme ce  dernier, il stimule la sérotonine. Ces femmes ne purent arrêter la médication même après des tentatives répétées de diminution graduelle. Ces patientes ont pu finalement cesser de prendre de l'Effexor seulement en lui substituant le Prozac.

                Après trois mois de prise de Prozac, une jeune femme tenta sans succès de s'en sevrer à trois reprises. À chaque fois, elle éprouva des étourdissements extrêmes et de l'instabilité. Elle fut examinée par des spécialistes qui commandèrent plusieurs tests, incluant des tests de résonance magnétique (TRM) du cerveau. Les résultats étaient négatifs. Les symptômes étaient soulagés à chaque fois en reprenant du Prozac, mais aucun de ses médecins ne soupçonnèrent des réactions de  sevrage. Un sevrage graduel de 12 semaines a finalement réussi.

                Une femme de 32 ans a pris 300 mg d'Effexor quotidiennement pendant huit mois. Elle tenta de s'en sevrer abruptement à trois occasions mais échoua à cause de migraines intolérables, de troubles gastrointestinaux, fatigue et autres symptômes. « Elle demeure sur un régime de venlafaxine [Effexor], 100 mg t.i.d.». Un homme sevré de l'Effexor éprouva « une grave akathisie » (compulsion de bouger). Cet état s'atténua « en quelques heures » après avoir pris une nouvelle dose. Ce n'est que plus tard que l'homme fut graduellement sevré.

                Dans un long article sur les difficultés du sevrage d'antidépresseurs et sur un site Web racontant ses appels incessants aux autorités britanniques au sujet de la sécurité des médicaments, le journaliste Charles Medawar résume plusieurs rapports traitant des réactions de sevrage des ISRS et le fait que peu de médecins rapportent  ces réactions, de même que les réponses évasives des agences gouvernementales et des fabricants. Parmi cette cinquantaine de rapports datés de 1988 à 1998, plusieurs notaient des symptômes de sevrage distincts observés chez des nouveau-nés dont les mères prenaient du Prozac, du Paxil ou du Zoloft en cours de grossesse.

                Les réactions de sevrage affectent entre 15 et 80 % des personnes qui cessent les ISRS abruptement. Sur la base d'un estimé conservateur que 50 % des individus souffrent de réactions de sevrage, nous devrions conclure que des centaines de milliers de personnes en sont affectées à chaque année aux États-Unis seulement. La plupart de ces réactions sont faibles ou modérées mais suffisamment troublantes pour que les patients veuillent les éviter. Peu d'estimés valides de réactions graves existent : des taux de 20-30% ont été rapportés lors d'un récent symposium.

                Des réactions au sevrage des ISRS se produisent typiquement un à quatre jours après cessation, bien qu'elles peuvent commencer des semaines plus tard dans le cas de produits à demi-vie longue tels que le Prozac. En moyenne, les réactions peuvent persister pendant une période de sept à 25 jours (de 1 journée à 13 semaines). Jusqu'à maintenant, aucune relation n'a été observée entre la dose et la durée de l'usage, d'une part, et d'autre part, sur les risques des réactions au sevrage.

                Les réactions au sevrage des ISRS impliquent plusieurs symptômes physiques et émotionnels, dont l'éventail complet n'a certes pas été décrit. Ils se produisent  à la fois lors d'un arrêt brusque et lors d'un sevrage graduel mais semblent s'atténuer  lors d'un véritable sevrage graduel, qui dure de deux à trois mois. Selon notre estimation toutefois le sevrage abrupt est trop fréquent, qu'il soit sous supervision médicale ou non.

                Les réactions au sevrage semblent être plus fréquentes - oui du moins plus aiguës - dans le cas des ISRS à demi-vie courte tels que le Paxil, le Luvox et le Zoloft. Les réactions au sevrage des produits à effet prolongé comme le Prozac semblent apparaître beaucoup plus tard. Elles peuvent n’apparaître que 25 jours après l'arrêt. Parce que les réactions se produisent si tardivement, elles ne sont pas visibles dans les études à court terme; de plus, les patients ont tendance à ne pas attribuer ces réactions à la cessation de la médication.

                Comme l'ont souligné Lejoyeux et Adès (1997), « les patients qui sont classés comme étant en rechute lorsqu'ils arrêtent la thérapie pharmacologique peuvent en fait souffrir de symptômes non remarqués de sevrage de la médication ». Tel que déjà mentionné, le panel d'experts d'Eli Lilly a constaté que « des crises de larmes dramatiques sont un symptôme psychologique majeur » du sevrage des ISRS. Il n'est pas étonnant que l'on confonde cette réaction avec une rechute de dépression. On ne sait pas combien de patients sont remis sur des antidépresseurs parce qu'ils souffrent de réactions de sevrage et sont mal diagnostiqués comme étant en rechute de dépression - toutefois, le nombre est sans doute important.

    Réactions au sevrage aux antidépresseurs atypiques

                Les réactions au sevrage des antidépresseurs atypiques sont généralement moins bien documentées qu’aux autres types d'antidépresseurs. Il n’a que peu d'information sur les effets  de sevrage du Ludiomil (maprotiline). Les réactions au sevrage de la Wellbutrin ou du Zyban (bupoprion), la Serzone (nefazodone) sont aussi peu documentées dans la littérature médicale. Un rapport décrit un syndrome de sevrage abrupt de la Sezrone, comme suit: « étourdissements, nausées, vomissements, transpiration, anxiété, insomnie et nervosité » pendant trois jours. Un autre rapport décrit des réactions similaires (qui incluaient aussi des sensations de brûlures sous la peau) après la cessation soudaine du nouvel antidépresseur Remeron.

                Les réactions de sevrage de l'Effexor (venlafaxine) ont été discutées dans la section précédente, vu que plusieurs de ses effets sont semblables à ceux des produits de type Prozac qui stimulent la sérotonine. L'Asensin (amxapine), une combinaison de neuroleptiques et d'antidépresseurs tricycliques, partagera avec eux des effets de servage important (semblables à la grippe, de l'agitation, des troubles de mouvements) et les lecteurs devraient consulter la section qui traite de ce sujet.

                Plusieurs effets de sevrage ont été documentés pour le Desyrel (trazodone), incluant la manie et l'hypomanie, la nausée et le vomissement récurrent et les hallucinations visuelles. En 36 heures de cessation de la trazodone, un patient a développé un « syndrome d'anxiété envahissante, de dépersonnalisation, d'insomnie et des cauchemars » qui ne s'atténuèrent qu’après cinq jours.

                Tel que discuté dans des chapitres précédents, l'absence ou la rareté d’études sur les effets de sevrage de médicaments psychiatriques spécifiques n'indique nullement qu'un produit ne provoquera pas de tels effets. Le lecteur se sevrant d'antidépresseurs atypiques devraient procéder lentement et s'attendre à n'importe quel effet associé aux autres antidépresseurs.

    Les réactions au sevrage des stimulants

                Les stimulants sont souvent utilisés pour contrôler le comportement des enfants. Les amphétamines Aderall, Desoxyn, Dexedrin et Gradumet de même que le Ritalin sont les plus fréquemment prescrits. Le Pemoline (Cylert) est donné aux enfants pour les mêmes raisons. Les stimulants sont aussi prescrits pour les adultes afin de traiter « les troubles d'attention et d'hyperactivité », la narcolepsie, la dépression et l'obésité. D'autres types de stimulants ont été utilisés pour le contrôle du poids, incluant le phentermin (Fastin, Adipex) et le mazindole (Sanorex). Une autre médication de contrôle de poids, le fenfluramine a récemment été retirée du marché au Canada et aux États-Unis parce qu'elle endommage les artères du cœur. La caféine bien sûr est un stimulant doux largement utilisé.

                Le Ritalin et les amphétamines sont très similaires à la cocaïne en termes d'effet sur la chimie et le fonctionnement du cerveau. Bien que l'impact des stimulants sur les neurotransmetteurs de dopamine est habituellement vu comme la cause majeure de l'euphorie ou le «plaisir» qui encourage les gens à continuer l'usage des drogues, des recherches récentes ont aussi mis l'accent sur un autre neurotransmetteur: la sérotonine. La cocaïne et les autres stimulants bloquent les retraits de sérotonine des synapses entre les cellules du cerveau. Étant donné que les antidépresseurs ISRS ont des effets semblables, il n'est pas surprenant que le sevrage des stimulants et des drogues antidépresseurs comme le Prozac en partage plusieurs caractéristiques.

                Décrits dans plusieurs études depuis trois décennies, « le sevrage des stimulants a longtemps été ignoré [par les médecins] pendant des années ». Les cliniciens ont eu tendance à minimiser la gravité du sevrage des stimulants ou à le caractériser comme étant seulement « psychologique ». Parce que le servage des stimulants manque typiquement de certaines des manifestations physiques du sevrage des drogues utilisées de façon classique de manière excessive, comme l'alcool et les opiacés, il est plus facile de les ignorer.

                Le «crashing» est l'effet le plus commun du sevrage des stimulants. Au cours de cet état, il est probable que vous vous sentiez perturbé émotivement et que vous manquiez d'énergie et de motivation. Cet état de fatigue et de dépression est le résultat d'une tentative de votre cerveau de surmonter l'état précédent de stimulation artificielle. De même manière, si les stimulants vous entraînent à avoir moins d'appétit, une augmentation marquée de l'appétit et de gain de poids peuvent accompagner le sevrage.

                La dépression profonde et l'apathie ne durent habituellement pas plus de trois à dix jours. Toutefois, comme le confirme un manuel de pharmacologie, la dépression et l'apathie peuvent « atteindre des proportions cliniques graves » et « persister pendant des semaines » chez des « individus instables ». Des pensées de découragement et de suicide peuvent accompagner cet « écrasement ». Une phase plus longue de lenteur mentale et physique suit normalement. Paradoxalement, vous pourrez aussi souffrir d'insomnie, d'anxiété et d'irritabilité.

                Le DSM-1V spécifie certains critères d'un syndrome de sevrage associé avec le groupe de stimulants qui inclut le Ritalin et la cocaïne. La liste des symptômes inclut: la fatigue, des rêves réalistes et déplaisants, l'insomnie ou le sommeil excessif; l’augmentation de l'appétit, un retard psychomoteur ou de l'agitation.

                Des réactions de rebond sont aussi très communes. Dans le cas des amphétamines et du Ritalin, le phénomène de rebond apparaît lorsque les enfants sont sevrés brusquement ou manquent une dose. Habituellement, ils éprouvent une augmentation de l'agitation, de la nervosité, de l'excitabilité et de la distraction. Les réactions de rebond sont par définition plus intenses que les mêmes symptômes éprouvés avant la prise de la drogue. Elles peuvent apparaître en quelques heures de la dernière dose du stimulant et persister pendant des jours.

                Dans une étude contrôlée double-aveugle, les parents et les professeurs de garçons «normaux» à qui on donnait une «seule» dose d'amphétamine, ont observé un phénomène de rebond marqué cinq heures après. Il n'y a pas de doute que les parents, les professeurs et les médecins prennent erronément ces réactions de rebond pour des signes que les troubles de déficit d'attention et d'hyperactivité des enfants s'aggravent. Ils estiment alors que l'enfant «a clairement besoin» de cette médication.

                Il y a des cas rapportés de délire, de psychose et d'état de confusion grave lors du sevrage des amphétamines. De même manière, les chercheurs ont documenté des psychoses et des symptômes de dépression profonde avec pensées suicidaires lors du sevrage du Ritalin chez des enfants. Comme nous l'avons discuté au début de ce chapitre, le manque relatif d'études portant sur la détresse associée au sevrage n'est pas un bon indicateur de leur vraie fréquence.

                La plupart de nos connaissances au sujet des réactions de sevrage après l'usage de stimulants proviennent d'études portant sur des utilisateurs adultes de cocaïne. Le sevrage d'amphétamine a été moins étudié; et le sevrage du methylphenidate (Ritalin) encore bien moins. Des millions d'enfants prennent des stimulants quotidiennement. Il est vraiment remarquable que les chercheurs n'enquêtent pas systématiquement sur ce phénomène hasardeux.

                Est-ce que le sevrage des stimulants doit être brusque ou graduel? La littérature spécialisée contient des recommandations en faveur d’un sevrage abrupt des stimulants, sur la base qu'aucun symptôme physique dangereux n'apparaîtra. Un manuel de psychopharmacologie récent est fort explicite: « Lorsqu'un patient qui est dépendant des stimulants est hospitalisé, on devrait en cesser la consommation abruptement. Il n'est pas nécessaire de réduire la dose graduellement. » Les auteurs de ces lignes confirment toutefois que le sevrage de larges doses produiront « souvent un syndrome de sevrage consistant en une dépression, de la fatigue, de l'hyperphagie (manger excessivement) et de l'hypersomnie ». Toutefois, au lieu  de recommander un sevrage graduel afin d'atténuer  les réactions débilitantes, les auteurs spéculent plutôt sur la valeur de les traiter avec des antidépresseurs!

                Nous n'avons aucune raison d'endosser le sevrage abrupt des stimulants à moins qu'ils aient été utilisés pour une brève période ou sporadiquement avec peu ou aucun effet néfaste entre les périodes d'usage. Deux médecins qui ont décrit un sevrage ardu du Ritalin de deux hommes d'âge mûr ont souligné « qu'un état de sevrage complet ne peut facilement s’atteindre en suivant les recommandations largement acceptées de cesser les doses quotidiennes de façon abrupte ».


  • Commentaires

    1
    Lundi 4 Septembre 2017 à 19:46

    Bonjour,

    Suite à une opération d'urgence, ce qui implique que je n'ai pu cesser de prendre zoloft, lithium et trazodone, les effets de l'anesthésie furent désastreux. Insomnie pendant presque deux  mois, le cerveau complètement à l'envers, perte de la réalité grande fatigue et anxiété ce qui m'a conduit à l'hospitalisation. Ils ont réussi à moitié à me faire dormir avec ativan et plus forte dose de trazodone. En hopital psychiatrique, ils s'en donnent à coeur joie pour ajouter des médicaments que je ne prenais pas en temps normal. À  la sortie de l'hopital, le jeu d'augmenter les doses de zoloft a commencé, jusqu'à 100 mg. Ensuite on m'introduit du lyrica pour l'anxiété (l'anxiété a été causée par l'insomnie), et l'épival. Ma situation n'est pas encore contrôlée car j'ai exigée de passer un test de mon ADN et j'ai reçu les résultats début juillet, j'ai appris que je ne possédais pas le cytochrome 2D6, le responsable principal dans le métabolisme de presque tous les antidépresseurs. Ce fait veut dire qu'on a essayé de me soigner depuis 33 ans avec les mauvais médicaments, ce qui provoquait des intoxications à tous les 2-3 ans. J'ai pris des antipsychotiques pour me faire dormir, ce fut l'enfer car n'ayant pas le 2D6, j'ai vécu deux fois de l'intoxication au  niveau du cerveau. Ces périodes ont été les plus difficiles de ma vie, un enfer dont tu ne sais pas comment t'en sortir. J'ai fait un sevrage de l'effexor qui fut également un enfer, en plus n'ayant pas de 2D6, le médicament s'accumulait dans mon organisme, imaginez. Donc, j'ai commencé un nouveau traitement mi-juillet en enlevant les médicaments métabolisés par 2D6. Étant donné que je prenais zoloft depuis 23 ans, le sevrage est très difficile et je suis retournée à l'hôpital. Ils m'ont retiré ativan et desyrel que je prenais pour dormir d'un seul coup, sans diminution progressive. Conséquence insomnie, ajout de serax qui ne me fait pas dormir (aucun benzo ne me fait dormir), je suis en crise de larmes, je tourne en rond, je n'ai plus envie de faire quoi que ce soit car manque d'énergie

    Je vis des périodes d'insomnies régulièrement mais aujourd'hui je n'en peut plus tout simplement. Mon corps est épuisé aussi à cause des changements perpétuels dans la médication (ajout d'un médicament ou plus, diminution, augmentation ou arrêt de médicaments que je prends, et ce manège dure depuis presque 5 ans.

    J'aimerais savoir si vous pouvez m'aider à trouver une solution pour le sommeil.

    Mon histoire est beaucoup plus longue que ça, je trouve désastreux que l'on puisse jouer dans la tête des gens sans qu'ils (psychiatres) sachent vraiment ce que ces médicaments provoquent chez les pauvres patients qui ne se font pas croire lorsqu'ils mentionnent des effets secondaires ou des effets de sevrage.

    Merci beaucoup de m'avoir lu et j'espère de votre équipe des mots d'encouragements pour la période très difficile que je vis depuis trop  d'années

    Martine Garneau

     

    Merci beaucoup 

      • Mardi 5 Septembre 2017 à 02:42

        bonsoir

        Et bravo pour le fait que tu te sois rendu compte que tu ne métabolisais pas du cyp450 2D6 !

        Maintenant qu'il ne te prescrivent plus de drogues métabolisées par le CYP2D6, j'espère que tu vas aller mieux.

        Je te recommande, en tout cas, de ne plus jamais faire confiance a un médecin !

         

        bon courage en tout cas

    2
    Blackr6
    Jeudi 22 Novembre 2018 à 10:10
    Je débute un sevrage brutal de cymbalta 60 donne à l origine pour douleurs neuro ... merci de me faire partager vos retours d expérience
      • Jeudi 22 Novembre 2018 à 16:03

        bonjour

        Il ne faut jamais stopper une drogue psychiatrique brutalement, mais en faire un sevrage lent.

    3
    Sfly
    Mardi 8 Janvier 2019 à 19:57
    M étant sevrer du jour au lendemain de abilify lithium 1200mg et floxyfral 50 j ai passé un an en état de psychose et j' ai terminé deux fois en clinik psy....a la sortie je n' ai plus repris ni lithium ni floxyfral et suis passé de sept2018 à janvier 2019 de 13 mg jour a 5 mg...j' ai pu me sevrer que par moi même .j avais fais un sevrage brutal de trois molécules ,car je savais pas que c était dangereux, il me reste plus que l abilify que je manage bien en baissant graduellement cette fois,je reaugmente la dose si insomnie ,ni euphorie et ça marche....j en suis à me demander si les psys sont de vrais médecins ou des charlots,dès que vous vous devrez il en rajoute une dose en plus du traitement initial.suis allé voir un psy en 2001 pour une banale dépression le antidépresseur m a rendu bipolaire j' ai ensuite pris du lithium pour ensuite finir avec un neuroleptique le abilify....prenez aussi un peu de vitamines et Omega 3 ça aide c est prouvé ....
      • Mercredi 9 Janvier 2019 à 02:48

        Merci pour ton témoignage, qui sera, je l'espère, utile aux visiteurs.

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